La théorie polyvagale et les psychotraumatismes

Ces dernières années, des recherches révolutionnaires en neurosciences ont fondamentalement modifié notre compréhension de l’impact des traumatismes sur les individus sur les plans psychologique, physiologique, émotionnel et social.

La phase initiale de l’étude ACE a été conduite par les hôpitaux Kaiser, entre 1995 et 1997 (17 000 patients). Les premières données ont été analysées et publiés en 1998, suivies de 81 publications jusqu’en 2012. L’étude kaiser a établi que:

  • La maltraitance et le dysfonctionnement familial dans l’enfance contribuent aux problèmes de santé des décennies plus tard.
  • Celles-ci incluent les maladies chroniques, telles que les maladies cardiaques, le cancer, les accidents cérébrovasculaires et le diabète, qui sont les causes les plus courantes de décès et d’invalidité aux États-Unis.
  • Les expériences négatives de l’enfance sont courantes.
  • 28% des participants à l’étude ont signalé des abus physiques et 21%, des abus sexuels.
  • Beaucoup ont également déclaré avoir vécu un divorce ou la séparation de leurs parents, ou avoir un parent souffrant de troubles mentaux ou de toxicomanie.
  • Les expériences négatives de l’enfance se produisent souvent simultanément.
  • 40% de l’échantillon initial ont déclaré avoir vécu au moins deux traumatismes et 12,5%, au moins quatre.
  • Étant donné que les ACE sont dépendants les uns des autres, de nombreuses études ultérieures ont examiné leurs effets cumulatifs plutôt que les effets individuels de chacun des traumatismes.
  • Les expériences négatives vécues durant l’enfance ont une relation dose-effet avec de nombreux problèmes de santé.
  • Après avoir suivi les participants au fil du temps, les chercheurs ont découvert que le score ACE cumulatif d’une personne présentait une relation forte et progressive avec de nombreux problèmes de santé, sociaux et comportementaux tout au long de la vie, y compris des troubles liés à l’utilisation de substances.

CDC-Kaiser Permanente adverse childhood experiences (ACE) study (1998). L’étude a été initialement publiée dans l’American Journal of Preventive Medicine

La théorie polyvagale (Stephen W. Porges, 2011) propose une explication innovante aux réactions incontrôlées du sujet dans son environnement. Les informations sont identifiées comme des signaux de danger ou de sécurité, ce qui ouvre des perspectives cliniques pour la prise en charge du psychotraumatisme.

Issue des neurosciences, la théorie polyvagale apporte un nouveau regard sur la compréhension des réactions physiologiques et psychologiques des individus face à l’environnement, et tout particulièrement sur les réactions des sujets souffrant de stress post­-traumatique. En déclinant le système nerveux autonome non plus en deux sous-systèmes antinomiques (sympathique et parasympathique), mais comme un système plus complexe offrant trois voies de réponses possibles, la théorie polyvagale propose une explication innovante aux réactions incontrôlées du sujet dans son environnement : les informations sont traitées et identifiées comme des signaux de sécurité ou de danger. Nous pouvons alors appréhender les symptômes post-traumatiques comme des manifestations de défense ou de survie que l’organisme déclenche selon sa lecture de la situation et son évaluation de la menace.

Calculer son score ACE avec le Questionnaire ACE: 

Score ACE: 

Score ACE égal à 1

  • 1,2 fois plus de risques d’être fumeur
  • 1,5 fois plus de risques de souffrir d’une maladie cardiaque
  • 2 fois plus de risques d’usage de drogues en intraveineuse
  • 1,6 fois plus de risques de promiscuité sexuelle (plus de 50 partenaires)
  • 1,7 fois plus de risques de contracter une infection sexuellement transmissible
  • 1,04 fois plus de souffrir d’une maladie hépatique
    2 fois plus de risques d’être victime de violence physique si l’on est une femme
  • 3,5 fois plus de risques d’être victime d’une agression sexuelle si l’on est une femme
  • 1,25 fois plus de risques d’être un « binge drinker » (consommation de grandes quantités d’alcool en un temps réduit)
  • 1,06 fois plus de risques de contracter un cancer
  • 1,6 fois plus de risques de développer un problème de santé mentale
  • 1,04 fois plus de risques d’être obèse

Score ACE égal à 2

  • 1,7 fois plus de risques d’être fumeur
  • 1,7 fois plus de risques de souffrir d’une maladie cardiaque
  • 10 fois plus de risques d’usage de drogues en intraveineuse
  • 2,1 fois plus de risques de promiscuité sexuelle (plus de 50 partenaires)
  • 2 fois plus de risques de contracter une infection sexuellement transmissible
    1, 4 fois plus de souffrir d’une maladie hépatique
  • 2,2 fois plus de risques d’être victime de violence physique si l’on est une femme
  • 4 fois plus de risques d’être victime d’une agression sexuelle si l’on est une femme
  • 1, 5 fois plus de risques d’être un « binge drinker » (consommation de grandes quantités d’alcool en un temps réduit)
  • 1,4 fois plus de risques de contracter un cancer
  • 2,2 fois plus de risques de développer un problème de santé mentale
  • 1,1 fois plus de risques d’être obèse

Score ACE égal à 3

  • 2,3 fois plus de risques d’être fumeur
  • 1,9 fois plus de risques de souffrir d’une maladie cardiaque
  • 22 fois plus de risques d’usage de drogues en intraveineuse
  • 2,2 fois plus de risques de promiscuité sexuelle (plus de 50 partenaires)
  • 2,3 fois plus de risques de contracter une infection sexuellement transmissible
  • 1,9 fois plus de souffrir d’une maladie hépatique
  • 2,8 fois plus de risques d’être victime de violence physique si l’on est une femme
  • 4,5 fois plus de risques d’être victime d’une agression sexuelle si l’on est une femme
  • 1, 5 fois plus de risques d’être un « binge drinker » (consommation de grandes quantités d’alcool en un temps réduit)
  • 1,5 fois plus de risques de contracter un cancer
  • 2,3 fois plus de risques de développer un problème de santé mentale
  • 1,3 fois plus de risques d’être obèse

Score ACE supérieur ou égal à 4

  • 2,6 fois plus de risques d’être fumeur
  • 2,1 fois plus de risques de souffrir d’une maladie cardiaque
  • 40 fois plus de risques d’usage de drogues en intraveineuse
  • 2,1 fois plus de risques de promiscuité sexuelle (plus de 50 partenaires)
  • 2,9 fois plus de risques de contracter une infection sexuellement transmissible
  • 1,9 fois plus de souffrir d’une maladie hépatique
  • 4,8 fois plus de risques d’être victime de violence physique si l’on est une femme
  • 9 fois plus de risques d’être victime d’une agression sexuelle si l’on est une femme
  • 1,7 fois plus de risques d’être un « binge drinker » (consommation de grandes quantités d’alcool en un temps réduit)
  • 1,5 fois plus de risques de contracter un cancer
  • 3,1 fois plus de risques de développer un problème de santé mentale
  • 1,5 fois plus de risques d’être obèse

VIDEO VOST:

Video VOST: Dr Thomas Joiner (université d’Harvard) évoque la prévention du suicide

La théorie interpersonnelle du suicide, de Thomas Joiner, tente d’expliquer pourquoi les individus adoptent un comportement suicidaire et d’identifier les individus à risque. Développée par Thomas Joiner et exposée dans Why People Die By Suicide, cette théorie se compose de trois éléments qui, ensemble, conduisent à des tentatives de suicide. Selon la théorie, la présence simultanée d’un sentiment d’appartenance contrarié et d’un sentiment d’être un fardeau produit le désir de suicide. Bien que le désir de suicide soit nécessaire, il n’entraîne pas à lui seul la mort par suicide. Joiner affirme plutôt qu’il faut aussi avoir acquis la capacité (c’est-à-dire l’aptitude acquise) de surmonter sa peur naturelle de la mort.

Un certain nombre de facteurs de risque ont été associés au comportement suicidaire, et il existe de nombreuses théories du suicide qui intègrent ces facteurs de risque établis, mais peu sont capables d’expliquer tous les phénomènes associés au comportement suicidaire comme le fait la théorie interpersonnelle du suicide.
Un autre point fort de cette théorie réside dans sa capacité à être testée empiriquement. Elle est construite de manière à pouvoir être réfutée. Un certain nombre d’études ont apporté un soutien au moins partiel à la théorie interpersonnelle du suicide. Plus précisément, une revue systématique de 66 études utilisant la théorie interpersonnelle du suicide a montré que l’effet de la charge perçue sur les idées de suicide était la relation la plus testée et la mieux étayée. Les autres prédictions de la théorie, en particulier en ce qui concerne les effets d’interaction critiques, sont moins bien étayées.

Désir de suicide
Appartenance contrariée
L’appartenance, c’est-à-dire le fait de se sentir accepté par les autres, est considérée comme un besoin fondamental, essentiel à la santé psychologique et au bien-être d’un individu. Il a été démontré que l’augmentation des liens sociaux – un concept lié à l’appartenance – réduisait le risque de suicide. Plus précisément, le fait d’être marié, d’avoir des enfants et d’avoir plus d’amis est associé à un risque plus faible de comportement suicidaire, Par exemple, les taux de suicide ont été plus faibles les dimanches du Super Bowl que les autres dimanches, et l’on pense que le lien social qui se crée lorsqu’on est fan d’une équipe sportive accroît le sentiment d’appartenance. En revanche, les personnes qui se suicident font souvent état d’un isolement social avant leur décès.

Se sentir comme un fardeau
C’est la croyance que l’on est un fardeau pour les autres ou la société. Joiner décrit la charge perçue comme la croyance que « ma mort vaut plus que ma vie ». Le chômage, les problèmes médicaux ou de santé et l’incarcération sont des exemples de situations dans lesquelles une personne peut avoir l’impression d’être une charge pour les autres. Il est important de noter que la charge est « perçue » et qu’il s’agit souvent d’une croyance erronée. Selon la théorie, l’appartenance contrariée et la lourdeur perçue constituent ensemble le désir de suicide.

Capacité acquise
Joiner parle de capacité « acquise » parce qu’il ne s’agit pas d’une capacité avec laquelle les humains sont nés. Au contraire, cette capacité à adopter des comportements suicidaires ne s’acquiert qu’au fil des expériences de la vie. La peur de la mort est un instinct naturel et puissant. Selon cette théorie, la peur de la mort est affaiblie lorsqu’une personne est exposée à la douleur physique ou à des expériences de vie provocantes, car ces expériences conduisent souvent à l’absence de peur et à l’insensibilité à la douleur. Ces expériences peuvent être un traumatisme dans l’enfance, le fait d’être témoin d’un événement traumatisant, de souffrir d’une maladie grave ou de s’automutiler.

On pense que ces comportements entraînent une désensibilisation aux stimuli douloureux et augmentent la capacité d’une personne à adopter des comportements suicidaires. Cette composante est importante pour identifier les personnes susceptibles de faire une tentative de suicide ou de mourir par suicide. Par exemple, certaines professions (soldats, chirurgiens et policiers) sont exposées à la douleur physique ou à des expériences provocantes.

Implications
Une étude d’enquête portant sur une vaste cohorte basée sur la population soutient la théorie interpersonnelle dans la mesure où l’interaction entre l’appartenance contrariée et le fardeau perçu prédit l’idéation suicidaire, et l’idéation suicidaire et la capacité prédisent les plans de tentative de suicide et les tentatives effectives.

La théorie interpersonnelle du suicide identifie les facteurs que les cliniciens devraient évaluer pour détecter un risque accru de suicide et les facteurs qui devraient être ciblés dans la prévention et le traitement.