La théorie interpersonnelle du suicide, de Thomas Joiner, tente d’expliquer pourquoi les individus adoptent un comportement suicidaire et d’identifier les individus à risque. Développée par Thomas Joiner et exposée dans Why People Die By Suicide, cette théorie se compose de trois éléments qui, ensemble, conduisent à des tentatives de suicide. Selon la théorie, la présence simultanée d’un sentiment d’appartenance contrarié et d’un sentiment d’être un fardeau produit le désir de suicide. Bien que le désir de suicide soit nécessaire, il n’entraîne pas à lui seul la mort par suicide. Joiner affirme plutôt qu’il faut aussi avoir acquis la capacité (c’est-à-dire l’aptitude acquise) de surmonter sa peur naturelle de la mort.
Un certain nombre de facteurs de risque ont été associés au comportement suicidaire, et il existe de nombreuses théories du suicide qui intègrent ces facteurs de risque établis, mais peu sont capables d’expliquer tous les phénomènes associés au comportement suicidaire comme le fait la théorie interpersonnelle du suicide.
Un autre point fort de cette théorie réside dans sa capacité à être testée empiriquement. Elle est construite de manière à pouvoir être réfutée. Un certain nombre d’études ont apporté un soutien au moins partiel à la théorie interpersonnelle du suicide. Plus précisément, une revue systématique de 66 études utilisant la théorie interpersonnelle du suicide a montré que l’effet de la charge perçue sur les idées de suicide était la relation la plus testée et la mieux étayée. Les autres prédictions de la théorie, en particulier en ce qui concerne les effets d’interaction critiques, sont moins bien étayées.
Désir de suicide
Appartenance contrariée
L’appartenance, c’est-à-dire le fait de se sentir accepté par les autres, est considérée comme un besoin fondamental, essentiel à la santé psychologique et au bien-être d’un individu. Il a été démontré que l’augmentation des liens sociaux – un concept lié à l’appartenance – réduisait le risque de suicide. Plus précisément, le fait d’être marié, d’avoir des enfants et d’avoir plus d’amis est associé à un risque plus faible de comportement suicidaire, Par exemple, les taux de suicide ont été plus faibles les dimanches du Super Bowl que les autres dimanches, et l’on pense que le lien social qui se crée lorsqu’on est fan d’une équipe sportive accroît le sentiment d’appartenance. En revanche, les personnes qui se suicident font souvent état d’un isolement social avant leur décès.
Se sentir comme un fardeau
C’est la croyance que l’on est un fardeau pour les autres ou la société. Joiner décrit la charge perçue comme la croyance que « ma mort vaut plus que ma vie ». Le chômage, les problèmes médicaux ou de santé et l’incarcération sont des exemples de situations dans lesquelles une personne peut avoir l’impression d’être une charge pour les autres. Il est important de noter que la charge est « perçue » et qu’il s’agit souvent d’une croyance erronée. Selon la théorie, l’appartenance contrariée et la lourdeur perçue constituent ensemble le désir de suicide.
Capacité acquise
Joiner parle de capacité « acquise » parce qu’il ne s’agit pas d’une capacité avec laquelle les humains sont nés. Au contraire, cette capacité à adopter des comportements suicidaires ne s’acquiert qu’au fil des expériences de la vie. La peur de la mort est un instinct naturel et puissant. Selon cette théorie, la peur de la mort est affaiblie lorsqu’une personne est exposée à la douleur physique ou à des expériences de vie provocantes, car ces expériences conduisent souvent à l’absence de peur et à l’insensibilité à la douleur. Ces expériences peuvent être un traumatisme dans l’enfance, le fait d’être témoin d’un événement traumatisant, de souffrir d’une maladie grave ou de s’automutiler.
On pense que ces comportements entraînent une désensibilisation aux stimuli douloureux et augmentent la capacité d’une personne à adopter des comportements suicidaires. Cette composante est importante pour identifier les personnes susceptibles de faire une tentative de suicide ou de mourir par suicide. Par exemple, certaines professions (soldats, chirurgiens et policiers) sont exposées à la douleur physique ou à des expériences provocantes.
Implications
Une étude d’enquête portant sur une vaste cohorte basée sur la population soutient la théorie interpersonnelle dans la mesure où l’interaction entre l’appartenance contrariée et le fardeau perçu prédit l’idéation suicidaire, et l’idéation suicidaire et la capacité prédisent les plans de tentative de suicide et les tentatives effectives.
La théorie interpersonnelle du suicide identifie les facteurs que les cliniciens devraient évaluer pour détecter un risque accru de suicide et les facteurs qui devraient être ciblés dans la prévention et le traitement.
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