Addictions: le sexoolique

Ils ne pensent qu’à ça, ne vivent que pour ça. Simple obsession du plaisir ou pathologie grave qu’il faudrait soigner ? Actifs, assumés ou repentis, des sexooliques se racontent. Article extrait du spécial sexe.

Un corps nu, inerte comme un gisant. L’homme, trentaine racée, fixe le plafond, l’oeil vague et lessivé. Son sexe est pudiquement caché par l’élégant drapé bleu métal d’une parure de lit. Le plan s’éternise. Dilatation du temps, vacuité et ennui. Bientôt, le vide, à son regard grippé, gagne tout l’espace. Dans l’intérieur dépouillé et high-tech de son loft new-yorkais, Brandon, le héros de Shame, le film de Steve McQueen, entame son rituel matinal, chaque jour répété : un tour au salon pour écouter les messages sur son répondeur, toujours les mêmes, les suppliques lascives et insistantes de femmes qu’à l’évidence il ne reverra jamais. Qu’importe, de toute façon il ne les écoute pas, déjà dans la salle de bains, occupé à se masturber sous la douche, caresses mécaniques dont il tire une jouissance fugace. Plus tard, au bureau, à la moindre contrariété, pour évacuer le stress ou juste tromper la morosité qui suinte de l’open-space aseptisé de sa boîte de consulting, c’est dans les toilettes qu’il ira se branler, encore et encore.

Brandon est ce que l’on appelle un sex-addict, un compulsif qui a besoin de ses shoots de sexe plusieurs fois par jour. Dès l’apparition d’une pulsion, il lui faut l’assouvir immédiatement : masturbation, consultation frénétique de sites pornographiques, recours aux services de prostituées ou quête hallucinée de partenaires dans des bars, des backrooms, dans la rue, partout où l’occasion se présente, et ce jusqu’à la prochaine crise. Un cycle sans fin, et l’on comprend pourquoi le cinéaste a choisi la répétition comme figure de style pour décrire le quotidien désolé de son héros, rythmé par cette chaotique consommation dans laquelle il se consume.

L’hypersexualité du libertinage à la pathologie

Comme le Brandon solitaire et malheureux de Shame, auquel Michael Fassbender prête ses traits impavides, le sex-addict semble depuis quelques années avoir investi le champ de la fiction. Des romans (Choke, de l’Américain Chuck Palahniuk), des séries télé (Californication, Nip/Tuck) et des films (Shame donc, mais aussi Entre les jambes, thriller pataud avec Javier Bardem) se sont emparés du sujet, trouvant dans la figure de ces hommes au chibre hyperactif bien que mélancoliques un puissant matériau narratif. Peut-être parce qu’ils incarnent les paradoxes d’une époque où le sexe est présent partout – comme une tentation à laquelle on ne voit aucune raison morale de résister -, mais où les derniers bastions du puritanisme se sont réfugiés dans des questions sanitaires difficilement réfutables.

Pour le dire autrement : aborder l’hypersexualité sous l’angle de la pathologie (une addiction, dont le drogué serait l’esclave) et non du libertinage, d’un usage débridé des plaisirs, n’est-ce pas une façon de réduire la liberté – celle de disposer de sa sexualité comme on l’entend – à son exact opposé, une aliénation dont on ne peut sortir, une prison ? Et, par là-même, une manière de pérenniser un certain ordre moral ? « Non, vraiment pas », estime le psychanalyste Jean-Benoît Dumonteix, auteur, avec la journaliste Florence Sandis, de Les Sex-Addicts – Quand le sexe devient une drogue dure, premier ouvrage français traitant de la dépendance sexuelle.

« Le sex-addict n’est pas un libertin. C’est un être assujetti à sa sexualité. Ces personnes utilisent le sexe comme un pansement psychique à des émotions négatives auxquelles elles se sentent incapables de faire face et se réfugient dans la sexualité compulsive parce qu’alors plus rien d’autre n’existe. Tant que le sujet reste maître de son comportement et que le plaisir est une réponse au désir, on n’est pas dans la dépendance. En revanche, lorsqu’on perd le contrôle et qu’on en souffre, on bascule dans l’addiction. Il est difficile de faire comprendre qu’un excès de sexualité puisse engendrer de la souffrance, alors qu’on admet volontiers que le manque de sexe et la frustration en soient une. Pourtant, quand le sexe devient une obsession, que le sujet est capable, pour assouvir ses pulsions, de mettre en péril sa santé, sa situation professionnelle, sa vie sociale, familiale, affective et plus généralement son état psychique, oui, cela devient une pathologie. »

Le sexoolique est son propre dealer

Ainsi, le sexe à haute dose, n’importe où, n’importe quand, avec n’importe qui, serait aussi envahissant et tyrannique qu’une drogue dure, si l’on en croit la dizaine de témoignages intenses et saisissants que les auteurs ont recueillis, essentiellement auprès d’hommes – hétéros et gays de milieux divers. Quelques femmes, plus rarement concernées par cette étrange maladie qui toucherait environ 5 % de la population, ont aussi témoigné.

Cette pathologie du comportement sexuel présente les mêmes symptômes que d’autres addictions telles que l’alcoolisme ou la toxicomanie. A une différence près, non négligeable : le produit consommé n’est pas extérieur. Le sexoolique, comme on l’appelle parfois, a pour ainsi dire sous la main la substance dont il dépend – son sexe. Impossible de le mettre complètement à distance. Il peut en disposer en permanence. Le sex-addict est son propre dealer.

Dans Choke, le parallélisme entre sex-addiction et toxicomanie est exposé sans détour.

« Les orgasmes inondent le corps d’endorphines qui tuent la douleur et vous tranquillisent. Les drogués du sexe sont en fait drogués aux endorphines, pas au sexe. (…) Pour un drogué du sexe, vos doudounes, votre queue, votre clito, langue ou trou du cul, c’est une dose d’héroïne, toujours là, toujours prête à servir. »

 

Lire l’article sur: https://www.lesinrocks.com/actu/sexooliques-comment-je-suis-devenu-addict-13910-25-07-2012/

Réduction des risques en matière de drogues : l’application « techno+ »

Pour en savoir plus sur les differents types de drogues (mécanismes, effets, interactions): l’application « techno+ »

Cette application a pour but d’informer objectivement sur les risques et les moyens de réduire les risques liés aux pratiques festives. Toutes les informations peuvent être consulter hors-ligne même si vous ne captez aucun réseau.

Elle contient des fiches divisées en différentes parties permettant d’informer sur les substances suivantes légales ou illégales. Chaque fiches comprend une présentation de la substance, de ses effets et des risques et une liste non exhaustive de conseils permettant de réduire ces risques pour apprendre à gérer sa consommation de produits psychoactifs :
Alcool, Cannabis, LSD, Cocaïne/Crack, Champignons hallucinogènes, DMT, Ecstasy/MDMA, Research Chemicals (RC), Kétamine, Héroïne, GHB/GBL, Speed, Méthoxétamine, Méphédrone, 2c-B / 2c-I / 2c-E, 25I-NBOMe / 25C-NBOMe.

On y trouve des conseils sur comment réagir en cas de malaise, bad trip ou d’overdose/surdose selon ces produits.
En complément des fiches produits, des fiches pratiques :
Sniff, Drug Mix (mélange et polyconsommation), Repères (maîtrises-tu ta consommation ?), Deal & Conso.

L’application donne également des conseils pour réduire les risques liés à certaines pratiques entourant l’espace festif :

  • Sur la route : prévention routière
  • Le dépistage des drogues au volant
  • Son : les risques auditifs
  • Feu : le jonglage
  • La sexualité
  • Le Piercing

Grâce à certaines informations du site TripSit et des flyers de Techno+, cette application permet aussi de se rendre compte de la dangerosité de certaines interactions. Il est possible de sélectionner deux produits et d’avoir une information précise sur ce mélange.

L’information objective, sur les risques liés aux pratiques festives et les moyens de réduire ces risques, permet à chacun d’’adopter une attitude responsable dans ses choix de vie.

Tous les flyers sur les drogues et autres pratiques festives que Techno+ édite sur papier depuis près de vingt ans dans votre poche !
En teuf, soirées, festival, c’est pratique de lire dans le noir sur un écran de téléphone.

L’application a pour but d’informer sur les différentes drogues licites ou illicites, ainsi que sur leurs effets et leurs risques aussi bien sanitaires que sociaux.
Elle donne des conseils pour réduire les risques liés à la consommation de substances léhttps://play.google.com/store/apps/details?id=org.technoplus.app&pli=1gales et illégales comme le dosage ou les mélanges à éviter.

 

The Marshmallow test : stratégie à long terme vs stratégie à court terme!


Le test du marshmallow ou expérience de la guimauve est une étude sur la gratification différée conduite en 1972 par le psychologue Walter Mischel de l’université Stanford. Un marshmallow (une guimauve) est offert à chaque enfant. Si l’enfant résiste à l’envie de manger la guimauve, il en obtient par la suite deux autres en guise de récompense. Les scientifiques analysaient la durée pendant laquelle chaque enfant résiste à la tentation, et démontraient qu’une grande patience était synonyme de succès. Les résultats interprétés par les auteurs montrent que plus grande est la maîtrise de soi (mesurée par la capacité de gratification différée), plus les chances de réussir sont grandes. Une réplication par Watts, Duncan et Quan montre un lien plus faible entre la maîtrise de soi pendant l’expérience de la guimauve et la probabilité de succès futur. Ces résultats nuancent les conclusions précédentes et suggèrent que d’autres facteurs tels que l’environnement familial et les capacités cognitives ne doivent pas être négligés

Addict’Town’ : un escape game pour prévenir les addictions

Addict’Town, le premier escape game digital de prévention des addictions

Sensibilisation aux pratiques addictives
En ligne depuis le 22 septembre 2021, Addict’Town est un jeu pédagogique qui permet de sensibiliser tous les publics aux risques spécifiques des pratiques addictives, quelles qu’elles soient : 

  • Consommation d’alcool.
  • Consommation de tabac.
  • Prise de médicaments.
  • Prise de drogues.
  • Dépendance aux jeux.
  • Hyperconnexion aux écrans (téléphone mobile, ordinateurs, TV…).
  • Achats compulsifs.
  • Troubles du comportement alimentaire…

Addict’Town permet de lever le voile sur un sujet encore extrêmement tabou et de favoriser, le cas échéant, l’accès aux soins des personnes en difficulté. 

Qu’est-ce qu’une addiction ?
Une addiction se caractérise par :

  • L’impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne.
  • La poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives.

Quelle que soit l’addiction concernée, la consommation répétée d’un produit ou la pratique excessive d’une activité peuvent avoir des répercussions importantes sur la vie professionnelle et personnelle.

Addict’town, un jeu ludique pour un sujet sérieux : la lutte contre les addictions

L’escape game Addict’Town, riche en vidéos et activités interactives, se déroule dans une ville du Far West. Il vous propose de résoudre les défis et énigmes qui jalonnent le jeu, tout en découvrant les différents comportements addictifs des habitants. 

Pour mener votre enquête, vous êtes accompagné par 2 experts, un addictologue et un psychologue.

Avec Addict’Townlaissez-vous emporter par une histoire immersive et réaliste et devenez acteur de votre propre prévention ou de celle de vos proches.

Et pour toute information ou engager une démarche de soin vis-à-vis d’une addiction : https://www.addictaide.fr/

L’addiction | Psycho | ARTE

Ennui, solitude, angoisse, tristesse, tentative d’oubli de traumas ou quête de sensations fortes, l’addiction puise à de multiples sources. Ses victimes évoquent la domination, la honte et les stratégies de dissimulation. Mais si la dépendance est aujourd’hui abordée comme une question de société, et non plus comme un « manque de volonté », les voies thérapeutiques relèvent toujours du parcours du combattant. Au réveil, Hagen, réalisateur, n’avait qu’une obsession : se procurer de la cocaïne. Ce jeune père culpabilise d’avoir « détruit tant de choses chez les autres ». Elle-même fille d’alcoolique, Jo raconte le déni dans lequel elle s’est enfermée et la spirale infernale qui l’a emportée : « Plus je buvais, plus je m’isolais. » Mais elle a décidé d’affronter les émotions qu’elle fuyait. Accro aux jeux d’argent, Timo, lui, sait qu’il ne sera jamais sevré : « J’ai touché le fond quand j’ai dû avouer à mon fils que je lui avais piqué son fric. » Ennui, solitude, angoisse, tristesse, tentative d’oubli de traumas ou quête de sensations fortes, l’addiction puise à de multiples sources. Ses victimes évoquent la domination, la honte et les stratégies de dissimulation. Mais si la dépendance est aujourd’hui abordée comme une question de société, et non plus comme un simple « manque de volonté », les voies thérapeutiques, pour ceux qui en souffrent, relèvent toujours du parcours du combattant.  Dans le vif du sujet  Comment parler avec légèreté des affections dites « psychiques », qu’il s’agisse de la dépression ou de l’addiction, mais aussi de difficultés existentielles causées par un deuil ou une séparation, sans nier pour autant la souffrance et la solitude qui les accompagnent ? Psycho y parvient en vingt-six minutes aussi concrètes que riches au moment où la pandémie du Covid-19 a brutalement mis en évidence le profond mal-être des sociétés occidentales, débordées par l’explosion des demandes de prise en charge. Montage alerte, approche ludique et sensible, intelligence du propos : en donnant la parole aux premiers concernés et à des spécialistes « psy », en France et en Allemagne, ces dix épisodes nous plongent dans la réalité du trouble psychique, afin, peut-être, de mieux l’accepter en nous-mêmes ou chez les autres.

Addictions : la dopamine et la théorie de la saillance incitative de Kent Berridge (VOST)


Terry Robinson et Kent Berridge qui ont publié en 1993 un article de 45 pages sur les fondements neuronaux de la soif de drogue, enrichi d’un panorama des théories de la dépendance .Cet article fut suivi de tentatives répétées pour travailler sur le concept de saillance incitative et son fondement neuronal dans un article de 60 pages publié en 1998, ainsi que dans un article de 27 pages publié en 2000 . L’hypothèse générale de Robinson et Berridge (1993) est que le cerveau sera affecté par la consommation de drogue de telle manière que le système neuronal responsable du désir de drogue pourrait devenir hyper-sensible et produire alors des ‘saillances’ de stimuli liées à la drogue en forte augmentation. La saillance augmente au point où se développe la dépendance, un comportement que même les toxicomanes eux-mêmes ne comprennent pas. Ils travaillent sur une perception de la dépendance qui postule l’existence d’une condition qui annule les ‘désincitations’ normales. En fait, ils tentent de fournir un ensemble d’hypothèses fondées sur la neurologie qui permettent de comprendre pourquoi les personnes dépendantes persistent dans un comportement que la plupart des gens perçoivent comme contreproductif ou destructeur et restent insensibles à ce qui conduirait des personnes (normales) comme nous à arrêter. Un aspect essentiel de leur perception de certaines dépendances est qu’elles sont ‘obsessionnelles’, définies comme un ‘comportement compulsif, stéréotypé et répétitif’ (1993, 276) dénué de motivation rationnelle. « Le ‘désir’ évolue en soif obsessionnelle et il s’agit manifestement sur le plan comportemental de recherche de drogue et de prise de drogue compulsives. Par conséquent, selon cette perspective, le besoin de drogue et un comportement de dépendance sont dus spécifiquement à la sensibilisation de la saillance incitative ». (1993, 249). Tout au long de leur article, ces auteurs reviennent à des perceptions des comportements de dépendance aux drogues dans lesquels la poursuite de l’usage de drogues fondée sur des motivations rationnelles, compréhensibles et constructives est tout simplement absente. Ils proposent un grand nombre de références portant (principalement) sur des expérimentations animales dans lesquelles des zones particulières du cerveau sont étudiées. Etant donné la notion de ‘désir’ qu’ils retiennent (liking), l’expérimentation animale est impossible, de sorte qu’ici également ils postulent l’irrationalité du comportement de dépendance. « Le besoin est un ‘désir’ de drogue obsessionnel, irrationnel et pathologiquement intense qui ne repose sur aucune raison évidente, et qui mène à un comportement compulsif de recherche de drogue et de prise de drogue » (1993, 272). Berridge et Robinson ne parlent pas du fait de désirer désespérément une personne qui vous manque, la liberté ou des vacances, ainsi que des adaptations neurologiques (les sensibilisations) que cela entraîne, et c’est bien dommage. A moins que ces besoins ne soient compris, il n’y a pas de raison de suspecter qu’ils sont différents du besoin de drogue, excepté pour ce qui concerne leurs conséquences légales. «Une perception de la dépendance fondée sur l’incitation-sensibilisation suggère que pour ‘soigner’ véritablement la dépendance, il faut cibler directement et inverser les neuro-adaptations qui sous-tendent la sensibilisation » (1993, 271). Les techniques de TEP ou d’IRM fonctionnelle doivent jouer un rôle croissant dans la recherche de preuves de ces neuro-adaptations.

Pour en savoir plus: http://www.annecoppel.fr/limperatrice-nue-les-neurosciences-modernes-et-le-concept-de-dependance/

La lutte d’une famille contre l’addiction

Il y a encore quelques semaines, il se droguait tous les jours à l’héroïne et la méthamphétamine. Aujourd’hui, à l’aide de sa sœur Maryrose, Ian essaie d’en finir avec son addiction aux opiacés. Pour Brut, Léo Hamelin l’a suivi dans les 21 premiers jours de sa lutte contre la dépendance

EM: qu’est-ce qui ne fonctionne pas avec la persuasion ? (avec William Miller) (VOST)

Quelles peuvent être les conséquences d’essayer de convaincre un patient de changer son point de vue avec nos explications, ou encore de modifier son comportement en suivant nos recommandations ? En tant que professionnel, notre motivation à aider l’autre est altruiste. Malheureusement, dans notre désir de faire le bien, nous allons naturellement être amenés à formuler nous-mêmes les arguments au changement. Mais cela selon nos propres représentations ! Le désir de vouloir aider l’autre, nous pousse souvent à être trop directifs. Ce type de discussion diminue l’autonomie du patient. Sa réaction naturelle va être de contre-argumenter en renforçant les arguments du non-changement. « Si vous voulez ne plus avoir mal aux genoux, il faut que vous ré-entraînez vos muscles en utilisant les escaliers plutôt que l’escalator, en descendant une station de bus plus tôt, en faisant une activité physique quotidienne etc. » « Cela me demanderait trop de temps, je risquerais d’être en retard au travail. Et j’arriverais déjà épuisé » Ce désir de réparer ce qui nous semble ne pas fonctionner en imposant une solution s’appelle le réflexe-correcteur. Dans la pratique de l’EM, ce réflexe contre-productif est à éviter.

 

Addiction: la difference entre le plaisir (liking) et l’envie (wanting) et ses implications

Pendant de nombreuses années, les psychologues et les neuroscientifiques ont supposé qu’il n’y avait pas de différence réelle entre le fait d’aimer quelque chose et le fait de le vouloir. « Aimer » (liking) et « vouloir » (wanting) semblent être deux mots qui décrivent le même phénomène. Lorsque j’ai envie d’une tasse de café le matin, c’est bien parce que j’aime le café ?

À cette hypothèse, selon laquelle vouloir équivaut à aimer, s’en ajoute une autre. On croyait généralement qu’il existait dans le cerveau un système impliquant la dopamine, qui déterminait à la fois l’envie et le plaisir. Qui plus est, il semblait y avoir des preuves irréfutables que la dopamine était essentielle au plaisir. Les rats, comme les humains, adorent les aliments sucrés, mais lorsque la dopamine est retirée de leur cerveau et que des substances sucrées sont placées dans leur cage, ils cessent de rechercher ces aliments. En supprimant la dopamine, pensait-on, on supprime le plaisir.

Mais était-ce exact ? Kent Berridge a trouvé une autre façon d’étudier le lien entre la dopamine et le plaisir. Après avoir éliminé la dopamine du cerveau des rats, il leur a donné une substance sucrée. « À notre grande surprise, les rats ont continué à aimer le goût normalement. Le plaisir était toujours là ! Lors d’une autre expérience menée dans son laboratoire, les niveaux de dopamine ont été augmentés chez les rats, ce qui a entraîné une augmentation considérable de la consommation de nourriture, mais pas d’augmentation apparente du plaisir.
Vous vous demandez peut-être comment un scientifique en blouse de laboratoire peut savoir si un rongeur s’amuse. La réponse est que les rats ont des expressions faciales semblables à celles des humains. Lorsqu’ils mangent une substance sucrée, ils se lèchent les lèvres ; lorsqu’il s’agit d’une substance amère, ils ouvrent la bouche et secouent la tête.

Que se passe-t-il alors ? Pourquoi les rats continuent-ils à aimer un aliment dont ils ne semblent plus vouloir ?

Kent Berridge avait une hypothèse, mais elle était tellement farfelue que même lui n’y croyait pas vraiment, du moins pas avant longtemps. Était-il possible que le fait de vouloir une chose et de l’aimer corresponde à des systèmes distincts dans le cerveau ? Et était-il possible que la dopamine n’affecte pas l’envie – tout est dans l’envie ?
Pendant de nombreuses années, la communauté scientifique est restée sceptique. Aujourd’hui, la théorie est largement acceptée. La dopamine augmente la tentation. Lorsque je descends le matin et que je vois ma machine à café, c’est la dopamine qui me pousse à en préparer une tasse. La dopamine intensifie la tentation de manger si l’on a faim, et donne au fumeur l’envie de fumer.

La preuve la plus surprenante que le système dopaminergique déclenche l’envie, et non le plaisir, vient une fois de plus du malheureux rat de laboratoire. Lors d’une expérience, Kent Berridge a fixé à la cage du rat un petit bâton métallique qui, lorsqu’il était touché, provoquait une légère décharge électrique. Un rat normal apprend, après un ou deux contacts, à ne pas s’approcher du bâton. Mais en activant le système dopaminergique du rat, Berridge a réussi à faire en sorte que le rongeur soit absorbé par le bâton. Il s’en approchait, le reniflait, le mordait, le touchait avec sa patte ou son nez. Et même après avoir reçu le petit choc, il revenait à chaque fois dans un laps de temps de cinq ou dix minutes, avant que l’expérience ne soit interrompue.

Cela explique peut-être mes habitudes de consommation de café. Je veux et j’aime ma tasse de café du matin. Mais la tasse de café de l’après-midi – que je ne peux pas m’empêcher de préparer – a un goût amer et désagréable. J’en ai envie, mais je ne l’aime pas.

Il n’est pas exagéré de dire que Kent Berridge a transformé la compréhension scientifique du désir et de la motivation humaine.

Il affirme que le désir est plus fondamental que le goût. En fin de compte, il importe peu, pour la préservation de nos gènes, que nous aimions le sexe ou la nourriture. Il est bien plus important de savoir si nous voulons avoir des relations sexuelles et si nous recherchons de la nourriture.

L’EM et l’addiction (avec Willliam Miller) (VOST)

L’entretien motivationnel a été développé initialement dans l’addiction à l’alcool, et a également solidement confirmé son efficacité dans plusieurs domaines : l’utilisation du préservatif et l’observance médicamenteuse chez les patients atteints du VIH, le tabagisme, l’abus de substance, les règles hygiéno-diététiques … Proposé par William Miller en 1983, et inspiré de l’approche centrée sur la personne, de Carl Rogers, l’entretien motivationnel (EM) est un style empathique de relation au patient qui doit aider ce dernier à prendre conscience de la contradiction entre le but qu’il recherche et son comportement actuel : l’exemple typique est celui d’un sujet toxicodépendant qui souhaite recouvrer son autonomie, tout en observant mal son traitement. Le patient doit ensuite renforcer son sentiment d’efficacité personnelle, et prendre lui-même la décision de jouer le jeu en suivant la prescription du soignant. Dans une méta-analyse, E. Carruzzo et ses collaborateurs de l’université de Lausanne soulignent que plusieurs études contrôlées indiquent une efficacité de l’EM. Mais pourquoi ? Parce que, estiment ces auteurs, de nombreux travaux suggèrent que la qualité de la relation patient / thérapeute est plus importante que l’efficacité présumée de la technique thérapeutique utilisée.

Or, en instaurant un partenariat entre les deux protagonistes, l’EM renforcerait les qualités interpersonnelles du soignant par la « mise entre parenthèses » de deux attitudes : premièrement, le thérapeute renoncerait à son rôle d’expert délivrant des solutions sur la base de ses connaissances, et s’adapterait mieux au cas précis du patient. Deuxièmement, il suspendrait son « souci du diagnostic » et ne chercherait pas à étiqueter son patient, ce qui semble essentiel pour les personnes toxicodépendantes « qui ont une faible reconnaissance de leur problème ». Ces éléments favoriseraient l’engagement du patient dans la prise en charge. En dehors des troubles liés à la dépendance, l’EM est également utilisé pour les troubles du comportement alimentaire, l’observance aux traitements médicamenteux ou la réduction des comportements à risque liés au VIH, rappellent les auteurs. E. Carruzzo et al. (2009).

L’entretien motivationnel, une nouvelle « panacée » dans la prise en charge de patients toxicodépendants ? Une revue de littérature. Pratiques psychologiques, 15 (4)